Journée Internationale de la Fille 2025 : Collaboration avec l’AWDF

« La fille que je suis, le changement que je mène : Lettre d’une fille en première ligne ».

Gertrude Alcèda Tchewele, 16 ans, militante Ado Reporter, Ado Reporters Africa

La fille que je suis :

Je suis née dans une communauté où être fille est parfois perçu comme une faiblesse. Pourtant, je choisis chaque jour d’en faire ma plus grande force. Je porte mon uniforme scolaire avec fierté, même si certaines de mes camarades ont dû abandonner les bancs de l’école, contraintes par un mariage précoce ou par la pauvreté.

Être fille, pour moi, c’est apprendre à lutter deux fois plus, mais c’est aussi transformer cette lutte en courage. Je suis celle qui ose lever la main en classe quand d’autres hésitent, celle qui prend le micro et la plume pour dire : « Assez, ça suffit ! ». Je suis convaincue que nos communautés peuvent et doivent changer, et je crois que ce changement commence par nous, les filles.

Les crises que nous affrontons :

Autour de moi, les crises sont multiples et continues. Les crises climatiques emportent nos maisons ou assèchent nos terres, tandis que les crises sociales enferment encore trop de filles dans les violences sexuelles et sexistes, les mariages forcés et le décrochage scolaire. En même temps, les crises économiques obligent des jeunes filles à troquer leurs cahiers contre un plateau de marchandises pour survivre.

Par ailleurs, les crises sécuritaires transforment nos routes en zones de peur et les crises invisibles comme la santé mentale, l’isolement ou le manque d’espaces sûrs réduisent trop souvent des vies entières au silence. De plus, la crise numérique accentue l’exclusion : sans connexion, sans outils digitaux, des millions de filles restent à l’écart de l’éducation, de l’information et des opportunités.

Ces réalités sont dures, mais je refuse de croire que nous ne sommes que des victimes. Nous sommes aussi les premières à inventer des réponses.

Le leadership des filles en temps de crise :

Face à ces crises, le leadership des filles est une réalité vivante et inspirante. Quand une inondation emporte les récoltes, ce sont souvent des filles qui organisent des collectes de vivres et la solidarité à l’école. Quand une camarade subit des violences, ce sont des filles qui montent des réseaux solidaires pour écouter, orienter et protéger.

Moi-même, je choisis d’agir. À travers mon projet “Voices of the Unheard”, je parcours des villages pour recueillir les témoignages de jeunes filles rurales victimes de violences basées sur le genre. J’écris leurs histoires, je les rends visibles, pour qu’elles cessent d’être ignorées.

En outre, le 28 juin 2025, j’ai animé une séance-débat sur la dignité menstruelle. Ce moment fort nous a permis de briser les tabous, de libérer la parole et de proposer des solutions concrètes pour que les menstruations ne soient plus une honte ni un frein à l’éducation des filles.

De surcroît, depuis 2024, dans mon rôle de Mairesse Enfant de la Commune d’Allada dans le sud du Bénin, je représente les enfants, et particulièrement les filles, dans les espaces de décisions locales. J’y mène des plaidoyers, j’interpelle les responsables, je mobilise mes pairs et des communautés. Ces expériences me montrent que, même jeunes, nous avons le pouvoir d’influencer des choix qui touchent directement nos vies.

Ainsi, le leadership des filles n’est pas une promesse lointaine : il existe déjà aujourd’hui, dans nos écoles, nos villages, nos familles et nos communautés.

Ce que je demande au monde :

Je n’écris pas seulement pour témoigner, j’écris pour demander.

Écoutez-nous vraiment, car nos voix ne sont pas des décorations mais des boussoles. Faites-nous confiance, car nos initiatives sont efficaces et nos engagements réels. Protégez-nous, car parler est un acte courageux qui nous expose.

Investissez en nous, car chaque bourse, chaque ordinateur, chaque espace sûr transforme une vie et, avec elle, toute une communauté.

Oui j’insiste ! Investissez en nous :

Investissez en nos rêves d’éducation : chaque bourse donnée, chaque livre offert, chaque salle de classe ouverte, c’est une vie transformée.

Investissez en nos talents numériques : offrez-nous des formations, des ordinateurs, une connexion, et regardez comme nous devenons des leaders capables de coder, d’innover, de créer.

Investissez en notre santé : donnez-nous accès à des soins, à l’information, à un accompagnement psychologique pour que nous ne soyons pas brisées avant même d’avoir commencé à vivre.

Investissez en nos projets locaux : même un petit fonds flexible, remis directement entre nos mains, peut changer une communauté entière.

Investissez en nos espaces sûrs : soutenez la création de lieux où nous pouvons nous réunir, parler, débattre et rêver sans peur.

Chaque fois qu’on investit en une fille, ce n’est pas seulement une personne qui s’élève : c’est une famille, une communauté, un pays tout entier qui avance.

L’importance des partenariats :

Si aujourd’hui j’ai la possibilité de t’écrire cette lettre, c’est parce qu’il existe des partenariats solides et engagés. Je pense à African Women’s Development Fund (AWDF) qui, aux côtés d’Ado Reporters Africa (ADRA), a choisi de mettre en avant les voix des filles.

Je pense à toutes les femmes et à tous les hommes qui croient que l’égalité n’est pas une faveur mais un droit.

Ces partenariats montrent que quand on investit dans les filles, dans l’énergie d’organisations locales dirigées par des jeunes, le résultat est transformateur.

Une vision pour demain :

J’imagine un monde où chaque fille a accès à une éducation de qualité, sans mariage forcé ni violence. Un monde où elle dispose d’espaces sûrs pour rêver, débattre et créer. Un monde où, face à une crise, elle peut compter sur une solidarité organisée et des ressources disponibles. Un monde où nos voix ne sont pas tolérées mais écoutées, intégrées et valorisées.

Ce n’est pas une utopie. C’est une stratégie de survie et de prospérité pour nos sociétés.

Mon engagement personnel :

Moi, Gertrude, élève et militante Ado Reporter, je m’engage à :

Continuer à écrire et à prendre la parole.

Soutenir mes camarades pour qu’elles croient en leur force.

Documenter nos réalités afin qu’elles ne soient jamais effacées.

Transformer mes colères en projets, mes rêves en actions.

 Une lettre ouverte à toutes les filles :

À toi, fille qui me lis : ta voix est un trésor, ne la laisse jamais s’éteindre.

À vous, décideurs, partenaires, parents ou enseignants : ne nous réduisez pas au silence. Soutenez-nous, protégez-nous et investissez avec enthousiasme en nous.

Car nous n’attendons pas le changement ; nous le menons déjà.

Rejoignez-nous.